Crise au NOSO: De la menace à l’opportunité.
Deux phénomènes majeurs investissent et marquent la société camerounaise :
– La crise au Nord-Ouest, Sud-Ouest (NOSO)
– La compétition de la coupe d’Afrique des Nations #CANTOTALENERGIES.
Le marqueur le plus problématique, vecteur potentiel d’une image disruptive, est la crise du NOSO.
D’un point de vue communicationnel, je m’interroge sur la possibilité de « repositionner » cette crise au NOSO pour en faire le vecteur d’un nouvel idéal au service de la cohésion nationale.
La communication ne mettra pas fin à la crise. La communication ne remplace pas la guerre non plus. Elle clarifie les rôles, les positions et les rapports entre les adversaires militaires, politiques ou partenaires comme l’opinion publique nationale ou internationale. Elle oblige les forces obscures à sortir de l’ombre. La communication doit donc couvrir le terrain de l’information et celui de la propagande. Une gageure devant la toute-puissance du nouveau réseau d’informations qu’est internet.
Le nœud du problème à résoudre par les communicants D’ÉTAT se pose précisément en ces termes: comment communiquer de façon objective sur un scénario aussi alambiqué que celui du NOSO? La référence à la guerre suppose la présence au minimum de deux armées sur le champ de bataille. C’est la difficulté à cerner l’armée et la rébellion qui contrarie la matrice du théâtre des opérations. Qu’il faille nettoyer des poches de résistance est une chose. Que les forces régulières obtiennent des ralliements ou des renoncements de la rébellion est un grand pas vers la victoire. Quel est donc le positionnement du curseur de la victoire au moment où les hostilités sont enclenchées?
Si la corrélation entre les conflits majeurs et la géopolitique est suffisamment établie dans les crises nationales puisqu’elles sont essentiellement territoriales, on évoque très peu en revanche, l’usage des conflits comme prétextes et outils de propagande au service des parties belligérantes : Toute guerre est aussi guerre de l’information et de communication.
Dépourvu de la bénédiction de l’opinion, le pouvoir de l’Etat perd de sa puissance. Les exemples du Front Polisario, de la bande d’Aouzou ou plus récemment du Tigré nous le rappellent dans le cas de notre continent. Le traitement médiatique de ces conflits est un enjeu de la bataille.
En général, la communication officielle ne doit avoir qu’une source et plusieurs relais. Mais les contre- pouvoirs que sont les médias, l’opposition alimentent également l’opinion publique d’informations alternatives, souvent contradictoires que cela obéisse à une intention stratégique ou pas. Le cas particulier du Cameroun pose le souci même du contrôle par l’État de l’information réelle autour de la crise du NOSO. La maitrise de la trajectoire de l’information, le contrôle de sa valeur et sa durée de vie sont les défis d’un organe d’appui à la communication. L’objectif étant de réduire l’écart sinon de l’anéantir entre la narration officielle et la narration courante.
Faisons d’emblée un distinguo entre la narration officielle et la narration courante. La première évoque la version des faits (récit) de l’Etat, celle qui est reconstituable à partir des communications officielles. La deuxième évoque le récit tel que relaté par la majorité des camerounais, retraçable à partir des contenus médiatiques (débats) des plateformes digitales.
L’analyse du contenu des interventions gouvernementales trahit une certaine arrogance fondée sur une communication stratégique essentiellement défensive qui crée un sentiment perçu de culpabilité contrastant singulièrement avec le discours du chef de l’État, lequel remplit son rôle d’apôtre de la paix et artisan de l’unité nationale. Une discontinuité perçue entre les éléments de langage du chef de l’Etat et ceux de certains membres du gouvernement fragilise de fait la crédibilité de la ligne narrative officielle si tant est qu’elle existe.
Le vide informationnel sur le casus belli, c’est-à-dire le point sur lequel porte le différend et les déformations hostiles du rôle du gouvernement ont fait le jeu des forces d’opposition et ont sapé la capacité de l’Etat à maintenir les populations camerounaises mobilisées ; bien au contraire des revendications identitaires identifiées dans d’autres régions, semblent reprendre du poil de la bête.Le déficit d’une communication adéquate, celle-là qui donne le la, déficit causé par une non-maitrise de l’écologie de l’information et du paysage médiatique, notamment sur le volet digital, est le talon d’Achille de notre gouvernement.
Ayant été conseiller de campagne, stratège des médias sociaux, ayant coordonné les équipes d’attachés de presse et autres compétences qui élaborent des messages politiques pour mieux promouvoir les idées, les causes et les personnes, le spectre des tactiques que je tire d’un éventail fait d’expériences sur le terrain, d’enseignement de la communication, de livres que nous avons publiés sur le sujet et donc de sources académiques et intellectuelles informe les tactiques ouvertes ou dissimulées qui peuvent être mises à contribution.
L’objectif politique déjà déclaré (dans un message à la nation le 10 septembre 2019) par le Président de la république est précisément de démilitariser toute la population et de restaurer la République dans ses droits. Il n’y aura pas d’emprisonnement ni de cour martiale pour les rebelles qui se rendront d’eux-mêmes. Tous les accords issus du grand dialogue sont maintenus. Les prérogatives des uns et des autres sont précisées et clarifiées. La légitimité de la position de l’État, l’autorité du pouvoir central sont autant de préalables pour la résolution de la crise du NOSO.
Il n’y a pas de guerre sans arbitrage politique et sans stratégie culturelle de la part de l’État qui la décide. De cet arbitrage politique découle la narration officielle, le roman national, le « narrative » institué. La communication opérationnelle n’en est que la conséquence. Or, la crise du NOSO semble être une guerre subie, guerre asymétrique aux allures insurrectionnelles, elle place l’Etat en situation de recul et le discrédite aux yeux de l’opinion publique nationale. Nous nous souvenons du cas particulier des massacres de Ngarbuh (Février 2020) où l’alerte d’un abus de l’armée camerounaise est donnée par Human Rights Watch, une ONG internationale et ensuite relayée par les journalistes locaux qui révolte l’opinion et contraint la Présidence de la République à ordonner une enquête qui aboutira au procès des militaires incriminés en décembre de la même année. Nous pouvons également citer le cas très récent du soldat MVOGO lynché par la population suite à une bavure, et les communications diverses venant de plusieurs sources relatant diverses versions (Défense, Gouverneur, RDPC, etc.) Quand un scandale occupe l’opinion, il vaut mieux mettre tous les autres scandales potentiels sur le tapis, plutôt que de les dissimuler et de risquer une autre séquence de bad buzz des semaines plus tard. Il faut divulguer toutes les informations préjudiciables sur un problème en une seule fois, afin que l’histoire négative puisse être traitée rapidement. Plutôt que de la laisser saigner pendant des semaines dans les médias, on s’en affranchit en une fois.
Une étude longue nous permet d’arguer que la principale faiblesse communicationnelle du gouvernement du Cameroun, est de s’être posé en souffre-douleur en démontrant aux yeux de l’opinion qu’il subit cette crise et qu’il emploie la force comme seul moyen de dissuasion. Ce positionnement de sa communication a eu pour effet de renforcer le sentiment d’un amateurisme et d’une incompétence notoire des dirigeants en place. Les récupérations opportunistes et politiciennes qui contribuent à fragiliser l’image de marque de l’Etat doivent être considérées précisément comme les éléments de problématique à résoudre par une communication de paix efficace. C’est l’âge de l’influence, du lobby, du spin doctor et aussi, comme on le voit au travers des lignes éditoriales savamment conçues, trop souvent manipulatrices et usines à fake news.
DE LA DISSUASION MILITAIRE À LA DISSUASION ÉPISTOLAIRE
Proposer des solutions pour la résolution du conflit, demande au préalable d’entériner le conflit. Le schéma narratif proposé par le Président de la République avait laissé un hiatus entre les revendications corporatistes et la prise des armes. De ce fait, il y’a lieu de se repositionner en maitre du « jeu », redéfinir les contours du problème, redistribuer les rôles et restituer à l’Etat tous les symboles régaliens. Quand la presse remplace les armes, c’est la bataille médiatique qui focalise toutes les attentions. Le poids des mots et le choc des photos à la « Une » des journaux, et c’est l’encre qui a coulé à la place du sang. Et si les véritables protagonistes des conflits étaient les journalistes (communicants) belliqueux ? Sanctionner les médias et journalistes pour reportages mensongers. Il existe plusieurs manières de sanctionner les couvertures négatives : salir ce qui est sale. L’indécence des médias pointée, l’indépendance des supports médiatiques est remise en question face à la couverture informationnelle des conflits. FOCUS SUR LA LIBERTÉ DU POUVOIR MÉDIATIQUE.
La communication parle silence déjà surjouée par le président de la République est un attribut de la hiérarchisation des urgences, elle consiste à désoxygéner les incendies, à laisser mourir d’ennui les informations les plus fausses. Elle peut aussi servir à des échelons inférieurs. On peut nourrir une rumeur ou affamer une histoire… Jouer une chauve-souris morte revient à ne pas répondre à une demande des médias ou à donner une réponse minimale dans le but de tuer l’histoire. L’on ne partage que les informations les plus bénéfiques ou les moins dommageables
APPUYER LA TRANSITION DE LA GUERRE VERS LA PAIX EN FAISANT LA GUERRE A LA GUERRE.
La guerre, au nombre de morts qu’elle provoque n’est certes pas une bonne chose. Mais la guerre, au regard de la paix qui s’en suivra peut être nécessaire. On qualifiera donc cette Guerre de Juste, utile et salvatrice. Une guerre de paix. Les séparatistes ne sont pas nos ennemis, il s’agit de nos compatriotes qu’on doit réinsérer dans la nation suivant les accords du « GRAND DIALOGUE ». Les rebelles armés et les va-t-en guerre sont les principaux visés. Déclarer la guerre aux séparatistes est un non-sens dans la logique de l’unicité de l’État. « Mater la rébellion », rentre dans le champ lexical d’un discours officiel à destination de la nation toute entière. Le mode opératoire étant sans doute le Delta de la mission. L’utilisation des armes, fussent-elles conventionnelles ne saurait emporter l’adhésion du peuple. Problème, il faut justement faire taire les armes au profit d’une paix civile définitive.
Les balbutiements gouvernementaux sur le « naming » de la situation (crise ? tensions ? guerre ? insurrection ?) ayant accentué l’opacité, il est temps de donner un nom à cet imbroglio.Pour sauver son peuple pris en otage par des ennemis masqués, l’Etat déclare la guerre aux impies de la nation : LA BATAILLE DE LA PAIX. Oui la bataille de la paix, nouveau projet de communication stratégique en appui aux FDS pour écarter les vieux démons de la polémique qui condamnerait un gouvernement qui tire contre son peuple. La bataille pour la paix peut donc commencer au NOSO avec l’indice d’alerte maximal. Il s’agit notamment d’exposer les faits réels à partir d’une écriture de fiction agissant mieux dans l’inconscient collectif, avec des outils standards de relations publiques, souvent mobilisés, telles que la rédaction de communiqués de presse, l’organisation d’événements, le discours et les happenings dans les médias. Rester concentré sur ce message : le but de chaque apparition publique ou interview d’un officiel doit s’intégrer dans une stratégie plus large. En soi, ce n’est pas une tactique malveillante, mais la répétition constante des mêmes messages sans répondre aux questions peut être une forme d’obscurcissement
La règle de répétition : la nausée est largement incarnée par Dieudonné Essomba dans les médias. L’idée est de répéter ad nauseam, si souvent les mêmes idées qu’elles ne deviennent effectives que pour autant que tout le monde s’en lasse et que l’auteur de la répétition semble sur le point de ‘vociférer’, ‘aboyer’ ou ‘vomir’ chaque fois qu’il énonce sa vérité. D’un autre côté, ce qui est dissimulé fait référence à une gamme de techniques cyniques pour gérer l’information : ce sont les tactiques parfois malveillantes que la plupart des gens associent au « spin ».Certes, il s’agit d’une opération d’envergure notamment sur le plan stratégique, elle sera d’autant plus réussie qu’il y aura moins de pertes en vies humaines.
Devant ce cas de force majeure, c’est une obligation pour l’État de déployer après expertise, des forces spéciales et très préparées à cet exercice dans le NOSO afin de rétablir la paix et l’intégrité territoriale. Une exigence militaire et budgétaire qui nécessite de mettre à disposition de l’armée régulière tous les moyens issus des nouvelles technologies de guerre afin d’éviter des déformations et désinformations susceptibles de « jeter l’huile sur le feu ».
Les ennemis de la nation doivent être privés de la capacité d’écrire l’histoire et le pays doit faire l’économie d’une guerre civile. La reprise en mains par le pouvoir central de l’information de guerre, est un gage de paix et de continuité de l’État. Communiquer en situation de crise, c’est aussi créer une synergie entre l’information politique du gouvernement, l’information opérationnelle de la défense nationale, pas loin de l’information officielle finalement politique et l’information des médias qui n’est autre que l’analyse et le traitement des informations précédentes afin de raconter la plus belle histoire de la victoire.