Le réel s’oppose toujours à nos illusions. Il n’est jamais d’accord avec nos rêves et nous oblige à revoir nos objectifs à la baisse. Face à cette dictature du réel, comment parvenir, lorsqu’on a goûté au poison de « l’insatisfaction des choses telles qu’elles existent », à modifier cette réalité pour la faire évoluer ?
Albert Camus s’exprimait un jour, et c’est encore écrit dans le Discours de Suède (1957) :
« Chaquegénération, sansdoute, se croitvouée à refaire le monde.
La miennesaitpourtant qu’elle ne le referapas. Mais sa tâcheestpeut-êtreplusgrande.
Elleconsiste à empêcherque le monde se défasse. »
Ainsi, l’illusion de changer la réalité n’épargne personne, surtout les néophytes de la politique, et 20 fois sur le métier, ils remettent leur ouvrage jusqu’à ce qu’ils comprennent qu’on « adhère au réel ».
Descartes, in Le Discours de la Méthode, d’ailleurs prescrit le bon sens à ce propos : les pensées sont le champ de liberté et de contrôle de l’homme, contrairement au reste, qui ne dépend pas de nous. Pour éviter la frustration lorsque le monde n’est pas adéquat à nos désirs ou notre volonté, c’est à l’homme de modifier ses pensées, de convertir son regard sur le monde plutôt que le monde lui-même.
Nous pouvons longuement discuter sur les implications d’une telle posture jusqu’à la caricature fataliste, ce qui n’est pas l’objet de notre développement.
Nous tenons à parler de la politique en Afrique Francophone. Conquérir, garder et travailler avec le pouvoir. Les nombreuses tentatives de conquête du pouvoir des oppositions africaines mises en échec par le système gouvernant héritier des systèmes coloniaux, ont suscité en nous maintes idées sur la meilleure démarche stratégique pour parvenir à modifier le « réel politique ».
Les oppositions sont-elles faites pour échouer ? Sont-elles condamnées à servir de faire-valoir démocratique aux différents régimes ? Le changement est-il possible ? L’alternance est-elle envisageable ?
- Décrire le « réel politique »
Les jeunes démocraties de l’Afrique francophone ont gardé les réflexes du système de reproduction colonial. Le parti au pouvoir recrute des fonctionnaires et des élus qui travaillent à le maintenir. La question de la préservation du pouvoir est au centre des préoccupations et des stratégies. Un système mécanique, guidé par l’instinct de survie faisant le minimum pour assurer le bien-être collectif.
En Afrique centrale, le Pouvoir généralement se prend par :
- Transmission (hérédité ou affinité)
- Force (Armée)
Dans tous les cas, la fréquentation préalable de l’appareil d’Etat est indispensable. L’opposition a ainsi peu de chances de gagner par les urnes.
- Préparer la nécessité historique d’une révolution
Certains acteurs politiques, souvent déçus par le résultat des urnes menacent les régimes d’une possible insurrection populaire. Or, les peuples se battent rarement pour un leader. Le peuple se révolte pour le pain ou ses loisirs.
Il faut éduquer le peuple à faire ce que Guy Debord a appelé « les petites révolutions quotidiennes », afin qu’ils sachent reconnaitre et défendre ce qui leur appartient. Le vote par exemple. Non pas un candidat qui ne leur appartient pas.
- Anticiper La révolution maitrisée
L’essor des Tics, modifie les modes de gouvernance actuels à l’heure des Fake News, certains auteurs ont parlé de l’ère de la post-vérité. Les citoyens ont trouvé un moyen d’exercer une pression sur les gouvernements et les gouvernements, peinent à s’adapter à ces modes de communication.
Les plates-formes digitales tendent à devenir de véritables leviers de croissance des candidats dans les sondages.
Les réseaux sociaux vont occuper une place tout aussi grande que celle des médias classiques. Chez l’électorat jeune, ils seront le premier relais entre les candidats et les citoyens. La génération androïde entrera dans le champ politique avec ses codes. Et même si elle ne sera pas de tous les meetings, elle va découvrir le live et suivra les candidats dont l’ e-réputation sera la plus avantageuse.
Le digital sera l’outil des candidats avant-gardistes. Le taux de pénétration d’internet dans les zones urbaines permettra aux mieux outillés de faire la différence.
Il s’ensuit une implication des cibles de plus en plus jeunes dans la politique. Mais cette implication doit être nuancée, car elle se limite souvent à des formes de contestation virtuelle, mais ne pousse pas encore, ou très peu, les jeunes dans les urnes.
Les jeunes veulent changer le monde, être associés dans la prise de décision, mais les partis politiques, précisément ceux au pouvoir n’arrivent pas à parler leur langage : tension permanente.
La révolution maitrisée permettrait aux partis politiques traditionnels de développer des plateformes politiques où cette jeunesse peut s’exprimer sans parti pris. Les militants classiques sont généralement trop vieux et trop formatés, or il y’a besoin d’élargir l’assiette des électeurs en dehors du cadre politique classique perçu comme « panier de crabes ».
- Choisir Le réalisme méthodologique
Les révolutionnaires héritent rarement du pouvoir. Au Cameroun et dans beaucoup de pays africains, ceux qui avaient lutté pour les indépendances, ont été écartés de la gestion des affaires. Il faut donc laisser les révolutionnaires combattre sans être soi-même révolutionnaire. Le réalisme méthodologique consiste à se placer en 3ème force (La force neutralisante).