J’observe que:
La langue d’une civilisation décrit comment les peuples voient et interprètent le monde. Certaine sagesse populaire dit que le monde est une projection de notre langage. Pour preuve, il est des réalités peintes dans certaines langues qui sont innommables dans d’autres. On en déduit alors que, pour comprendre l’univers d’un peuple, il faut savoir comment il s’exprime.
Les langues et civilisations africaines, très imagées, riches en onomatopées et autres tournures idiomatiques connaissent un épanouissement évident dans les arts oratoires (griots, contes, musique, épopée).
Or, la publicité (mot qui n’existe pas par exemple dans ma langue maternelle -Eton-) qui nous est offerte par une civilisation amie, est souvent utilisée sans, ce que l’église catholique a appelé : l’inculturation. L’inculturation ne consistant pas à utiliser les mots locaux simplement, mais à convoquer tout l’univers visuel et symbolique invoqué par ces mots-dits.
De là vient l’étonnement qui se formule en la question suivante : Au-delà des mots, comment l’univers africain vit la publicité, vit dans la publicité et survit ou pas avec la publicité ?
La préoccupation est née d’une observation attentive de la communication publicitaire qui a entouré la fête de Pâques de certaines agences et entreprises.
L’usage des œufs de Pâques a notamment eu le mérite de nous mettre la puce à l’oreille.
Pourquoi les œufs à Pâques ? Cette pratique (chasse aux oeufs) existe-t-elle au Cameroun ? Qu’est ce qui justifie l’usage dans la publicité alors qu’aucun comportement rituel ne le valide dans nos mœurs ?
Le problème
Les produits culturels que semblent consommer les peuples africains tendent à venir de la civilisation-amie occidentale. Ces produits finissent par donner aux consommateurs une certaine apparence : là est leur personnalité. La personnalité est un agrégat de postures, de réflexes, de savoirs, de mots, d’automatismes et d’idées-toutes-faites que la communication attribue à l’individu qui la porte et s’en croit propriétaire.
Or, cette civilisation et les comportements qu’elle induit sont purement artificiels à l’opposé de la civilisation intrinsèque gravée dans nos ADN qui constitue notre essence, si malheureusement réprimée au profit d’une consommation mimétique jusqu’à l’automatisme et dont le prolongement se trouve dans nos créations publicitaires.
L’africain, qu’il soit créatif ou consommateur, vit avec ce divorce intérieur entre sa personnalité qui lui donne l’assurance d’exister et son essence qu’il est conscient de ne pas écouter, avec un doux remords. Il produit et consomme des biens dont le sens peut lui échapper, mais qu’il reproduit comme par peur, paresse ou obligation.
Le créatif est-il Influencé ou inspiré ?
Luttant sans cesse entre les divagations de son imagination débridée et les contraintes commerciales et identitaires de l’annonceur, souvent dans l’urgence de la pensée, le créatif livre un visuel « conforme » aux apparences existentielles de son milieu, loin des « insights » essentiels de sa culture, son histoire. Après tout, c’est d’abord un budget qu’il faut gagner!